Dans un monde professionnel de plus en plus réglementé, la facturation entre entreprises n’est pas seulement une question de transaction financière, mais aussi un domaine encadré par des normes juridiques strictes. Cet article explore en profondeur les divers aspects de la facturation professionnelle, allant du cadre légal imposé par le Code de commerce et le Code général des impôts (CGI) aux spécificités de la facturation électronique, en passant par les obligations liées à la conservation des factures et les implications fiscales qui en découlent.
Les principes de la facturation entre professionnels
Cadre légal et processus de facturation
Les règles de facturation pour les transactions entre professionnels sont encadrées par le Code de commerce et le Code général des impôts (CGI). Une ordonnance récente a harmonisé la formulation de certaines règles entre ces deux textes pour en clarifier la compréhension et l’application. Chaque vente de bien ou prestation de service à un professionnel doit faire l’objet d’une facture, laquelle doit être conservée pendant dix ans par les deux parties. La facture est généralement émise par le vendeur ou le prestataire, mais peut aussi l’être par le représentant fiscal, le client ou un tiers autorisé par mandat.
Modalités d’émission et règles spécifiques
La facture doit être émise immédiatement après la livraison ou la réalisation du service. Il existe toutefois des règles spécifiques pour l’émission des factures en fonction de la nature de la transaction et des exigences de la TVA. La facturation électronique, bien qu’encore non obligatoire, est en voie de le devenir d’ici 2026. En cas d’erreur sur une facture, il est nécessaire d’émettre une nouvelle facture correctrice en annulant l’originale, ce processus devant être clairement documenté pour éviter des confusions.
Sanctions en cas de Non-conformité
Des sanctions spécifiques sont prévues pour les manquements aux règles de facturation. En général, une entreprise individuelle risque une amende équivalant à 50% de la facture, avec un plafond de 75 000€, tandis qu’une société peut se voir infliger jusqu’à 375 000€ d’amende. En cas de récidive, ces montants peuvent doubler. Toutefois, si les transactions ont été enregistrées, l’amende est réduite à 5% du montant, sans excéder 37 500€. Il est important de noter que ces amendes ne s’appliquent pas si la première infraction de l’année en cours et des trois années précédentes a été corrigée spontanément ou dans les 30 jours suivant une requête administrative.
Les erreurs mineures telles que les omissions ou inexactitudes sont passibles d’une amende de 15€ par incident, sans dépasser 25% du montant total de la facture. Si l’adresse ou l’identité du client ou du fournisseur est faussement déclarée ou modifiée, l’amende peut s’élever à 50% de la facture. Ces pénalités sont annulées si l’infraction est corrigée spontanément ou dans les 30 jours suivant la première sollicitation par l’administration, à condition que ce soit la première infraction relevée pour l’année en cours et les trois années précédentes.
En cas de déclaration de ventes ou prestations fictives, l’amende est de 50% du montant de la facture. Si des preuves contraires sont fournies et que l’opération est régularisée dans les 30 jours, l’amende est réduite à 5%.
Mentions obligatoires sur les factures selon le code de commerce et le CGI
Informations générales et spécifications de facturation
Les factures doivent inclure une série de mentions obligatoires dictées par le Code de commerce pour garantir la transparence et la légalité des transactions commerciales. Ces mentions comprennent:
- La numérotation unique de la facture, basée sur une séquence chronologique continue.
- Le nom et l’adresse des parties impliquées, y compris l’adresse de facturation si elle diffère.
- Des détails sur la forme sociale de la société vendeuse, son immatriculation au RCS, et la date de la transaction.
- La quantité des biens ou services, leur dénomination précise, et le prix unitaire hors TVA.
- Les réductions de prix effectives à la date de la transaction, la date limite de paiement, et les conditions d’escompte.
- Le taux de pénalités de retard applicables après la date limite de paiement et l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement en cas de retard (fixée à 40€).
- Le numéro du bon de commande lié à la facture.
Spécifications relatives à la TVA
En plus des informations générales, le Code général des impôts (CGI) requiert des mentions supplémentaires spécifiques à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) :
- Le numéro individuel d’identification à la TVA du vendeur et le numéro de TVA intracommunautaire de l’acheteur.
- Les mentions spécifiques à l’application de la TVA, comme le taux appliqué ou les références à une exonération de TVA, notamment pour les auto-entrepreneurs sous le régime de la franchise en base de TVA selon l’article 293B du CGI.
- Le montant total hors taxes, le montant de la TVA par taux applicable, et le total TTC.
Mises à jour législatives et réforme de la facturation électronique
Avec la réforme de la facture électronique, qui entrera en vigueur suite au décret du 25 mars 2024, de nouvelles mentions deviendront obligatoires :
- Le numéro SIREN du prestataire.
- L’adresse de livraison des biens, si elle est différente de celle du client.
- Une indication précise si les opérations facturées concernent uniquement des livraisons de biens, des prestations de services, ou les deux.
- Les détails sur le paiement de la TVA selon les débits, si cette option est choisie par le prestataire.
Ces modifications visent à renforcer les obligations légales et à préparer les entreprises à la transition vers la facturation électronique, simplifiant ainsi le suivi et l’audit des transactions commerciales.
Durée de conservation des factures : obligations et implications fiscales
Normes de conservation
Les factures, en tant que justificatifs comptables et fiscaux essentiels, doivent être conservées avec soin par la société émettrice. Elles doivent être organisées de manière chronologique, avec une attention particulière portée aux dates d’émission et à la cohérence de la numérotation. Cette organisation rigoureuse facilite non seulement la gestion comptable mais aussi les éventuels contrôles fiscaux.
Délais légaux de conservation
La législation fiscale permet à l’administration de lancer un contrôle fiscal jusqu’à la fin de la troisième année civile suivant celle pour laquelle l’impôt sur les sociétés ou la TVA est due. Ce délai, connu sous le nom de délai de reprise, est crucial car il définit la période pendant laquelle l’administration peut examiner et rectifier les impôts dus par une entreprise.
Extensions possibles du délai de reprise
Dans certaines circonstances, telles que des cas de fraude fiscale, d’activités non déclarées, de flagrance fiscale ou lorsqu’une omission ou insuffisance d’imposition est découverte dans le cadre d’un litige, ce délai de reprise peut être étendu bien au-delà des trois années initiales.
Délais de conservation spécifiés par le CGI et le code de commerce
Le Code général des impôts stipule que les documents comptables doivent être conservés pendant six ans. Toutefois, l’article L123-22 du Code de commerce précise que les documents commerciaux et les pièces justificatives doivent être conservés pour une période minimale de dix ans après la clôture de l’exercice comptable. En pratique, c’est ce dernier délai de dix ans qui prévaut pour la conservation des factures, garantissant une conformité totale avec les exigences légales et réglementaires.