Ce texte fait le point sur le cadre juridique de la sous-traitance pour les experts comptables. Depuis l‘arrêt de la Cour de Cassation d’octobre 2022, rappelé ci-dessous, un expert-comptable ne peut sous-traiter qu’à un autre expert-comptable inscrit, en conformité avec les réglementations en vigueur.
Nous rappelons que Scriptura est inscrit à l’Ordre, détenu et dirigé par un expert-comptable inscrit à l’Ordre, et est donc habilité à exécuter des travaux comptables pour ses confrères.
Le 4 octobre 2022, la Cour de cassation a rendu un arrêt significatif dans l’affaire n° 21-85.594, condamnant un cabinet d’expertise comptable à une amende de 30 000 euros avec sursis pour complicité d’exercice illégal de la profession. Ce cabinet avait sous-traité certaines de ses missions à une société non-inscrite à l’Ordre des experts-comptables. La société en question s’occupait de la saisie de comptabilité et de l’établissement de déclarations fiscales.
Jusqu’à cet arrêt, la doctrine juridique dominante estimait que la sous-traitance pouvait être légitime si les travaux étaient correctement supervisés par un expert-comptable inscrit à l’Ordre. Toutefois, la Cour a adopté une approche différente, arguant que l’exécution de tâches comptables par un prestataire non-inscrit est illégale
Cette décision de la Cour de cassation a d’importantes répercussions sur les pratiques des cabinets d’expertise comptable. En effet, sous-traiter des tâches comptables à des prestataires non-inscrits devient risqué, même si le cabinet assure un niveau de supervision satisfaisant. Cela signifie que de nombreux cabinets, qui avaient recours à la sous-traitance pour des tâches à faible valeur ajoutée, pourraient se retrouver dans une situation d’illégalité.
Il est important de noter que cette décision va à l’encontre de la tendance générale à la flexibilisation du marché du travail. Les cabinets comptables utilisent souvent la sous-traitance pour répondre à des contraintes économiques, comme les difficultés de recrutement ou la nécessité de se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée. Toutefois, cette jurisprudence freine cette flexibilité et contraint les cabinets à trouver des solutions internes, augmentant ainsi leurs coûts opérationnels.
La question de l’externalisation à l’étranger est également soulevée dans cette affaire. Certains cabinets externalisent leurs missions comptables dans des pays comme Madagascar, où les coûts sont plus bas. Bien que le Conseil National de l’Ordre des experts-comptables autorise cette pratique sous certaines conditions, la législation française reste floue sur la possibilité de sous-traiter à des sociétés inscrites dans un ordre étranger.
L’article 20 de l’ordonnance de 1945 stipule que seules les sociétés inscrites au tableau de l’Ordre peuvent exercer des prestations comptables en France. L’interprétation de cet article par la Cour pourrait exclure les prestataires étrangers, même s’ils sont inscrits à l’ordre dans leur pays d’origine. Cela ajoute un risque juridique pour les cabinets français qui externalisent leurs missions à l’étranger.
Il est cependant possible de sous-traiter certaines tâches qui ne relèvent pas directement de l’imputation comptable, sous réserve de respecter plusieurs conditions :
Cette jurisprudence souligne la nécessité d’une réflexion approfondie sur l’avenir des pratiques de sous-traitance dans le secteur comptable. Si le monopole de la profession comptable a pour objectif de garantir la qualité et la transparence des prestations, il ne doit pas devenir un obstacle au développement des cabinets.
La délégation de tâches à faible valeur ajoutée, telles que la saisie comptable, pourrait être une solution pour les cabinets qui doivent jongler entre des contraintes budgétaires et des exigences de qualité toujours plus élevées. Une révision de l’ordonnance de 1945 pourrait permettre de sécuriser et de moderniser les pratiques de sous-traitance, en tenant compte des réalités économiques et technologiques actuelles.
En conclusion, la jurisprudence récente sur l’externalisation des missions comptables a resserré l’étau autour des pratiques de sous-traitance, en interdisant toute externalisation à des prestataires non-inscrits à l’Ordre des experts-comptables. Bien que certaines tâches puissent encore être sous-traitées sous des conditions strictes, les restrictions actuelles risquent de freiner l’adaptabilité des cabinets comptables.
Dans un monde où la flexibilisation du travail est cruciale pour rester compétitif, il est essentiel que la profession comptable trouve un équilibre entre la protection du monopole et la nécessité d’adopter des solutions agiles et efficaces. Une modernisation des règles pourrait permettre de réconcilier ces deux exigences, tout en garantissant la qualité des services comptables offerts aux clients.